Un concept crucial : la continuitié écologique

Histoire et contexte

L’eau est, et a toujours été une ressource au centre du développement des civilisations humaines. La plupart des grandes villes de par le monde ont été édifiées aux abords de cours d’eau autorisant un approvisionnement constant et en quantité suffisante pour leurs besoins en eau.

Ainsi nos rivières ont depuis des siècles, voire des millénaires été modifiées. Les Romains furent les premiers à laisser leur trace. Leurs aqueducs permettaient à l’époque de dévier une partie des cours d’eau pour alimenter une ville sur plusieurs kilomètres. Bien que rustiques, certains de leurs ouvrages sont toujours visibles et continue d’alimenter leur légende.

Les cours d’eau n’ont pas subi cette seule modification. L’homme au fur et à mesure des âges a construit des ouvrages, d’abord de taille restreinte permettant de rendre certaines portions navigables alors qu’elle ne l’était pas naturellement.

Nous nous sommes ensuite rendu compte que l’eau des rivières pouvait servir à autre chose qu’à boire et à se déplacer. Nous avons réussi à dévier à l’aide de petit barrage une partie du courant pour utiliser la force motrice des rivières. Les moulins ont fait leur apparition et apporté la richesse à leur propriétaire.

Le principe reste aujourd’hui le même, mais les moyens et l’impact associé ont bien changé : augmenter les niveaux d’eau pour permettre la navigation, l’irrigation et la production hydroélectrique avec des ouvrages toujours plus grands.

Chaque installation barrant le lit mineur crée un obstacle qui influe sur la vie des cours d’eau et engendre à terme des désordres pouvant être irrémédiables.

Qu’est-ce que la continuité écologique ?

La notion de continuité écologique a été introduite par la directive-cadre sur l’eau (DCE) de l’Europe en 2006. La continuité écologique est définie comme la libre circulation des organismes vivants et leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri, au bon déroulement du transport naturel des sédiments.

En clair, restaurer la continuité consiste à rendre de nouveau possible l’accès à la rivière aux espèces qui l’utilisent pour au moins un moment de leur vie et restaurer ainsi l’axe de migration que représenté par ce cours d’eau. Mais c’est aussi permettre le transport des sédiments de l’amont vers l’aval nécessaire au bon fonctionnement des cours d’eau.

Des enjeux multiples

L’enjeu piscicole est évident. Il l’est plus encore sur les espèces migratrices amphihalines (qui réalise au moins un parti de leur cycle biologique en mer) telles que le saumon, l’anguille, l’alose ou la lamproie marine… pour les espèces se reproduisant en rivière, les barrages, créent des barrières peu ou pas franchissable les empêchant de remonter vers leur site de reproduction. Les chutes d’eau générées par ces ouvrages qui parfois permettent à un petit nombre de géniteurs de passer laissent quant à elle peu de chance aux juvéniles lorsque leur heure vient de regagner la mer. Cet enjeu est généralement connu du grand public du fait de la renommée du poisson concerné. Cela est moins vrai pour les espèces qui vivent uniquement en rivière et représentant donc de moins grands migrateurs, mais pour qui cette migration n’en est pas moins vitale. La truite, le brochet et la plupart des espèces piscicoles ont besoin d’un type de milieux particulier pour pouvoir se reproduire. La truite cherchera par exemple un radier, avec une granulométrie adéquate et le brochet une prairie inondable en période de crue. Si ces conditions ne sont pas remplies, ils se déplaceront parfois sur des dizaines de kilomètres pour trouver un milieu qui convient à leurs besoins. Ils seront ainsi également affectés par ces ouvrages.

La problématique du déficit sédimentaire des cours d’eau est bien moins évidente. Naturellement, la rivière érode ses berges pour récupérer les matériaux nécessaires à son fonctionnement. Selon la taille des grains, ils se déposeront çà et là créant tantôt des méandres, tantôt des radiers… Cette course effrénée vers le bas les entraînera inévitablement vers la mer. C’est ce phénomène, permettant de créer des milieux riches et variés qui sont modifiés par la construction d’obstacle à la continuité écologique. Le dépôt en amont des barrages crée un déséquilibre sur la balance. Cependant, la rivière a toujours besoin de matériaux. Elle va donc les chercher ou elle peut, érodant plus significativement les berges lorsque cela est possible et creusant le fond lorsque ce ne l’est pas. C’est ainsi qu’au fil du temps le fond de nos rivières ne cesse de descendre (ce fait est facilement remarquable sur certaines piles de pont) laissant la végétation et leur racine synonyme d’abri et de nourriture plusieurs mètres au-dessus. Ce n’est évidemment pas le seul facteur, mais c’est le cumul qui créer des déséquilibres importants sur certains cours d’eau.

Qu’est-ce qui est fait ?

Un inventaire des obstacles a été effectué en France. Il y a donc aujourd’hui plus de 60 000 obstacles susceptibles d’empêcher la continuité. Tous ne représentent pas une barrière infranchissable, mais c’est parfois l’accumulation de petit barrage qui crée les désordres.

L’ex ONEMA (Office National de l’Eau et des Milieux aquatiques) aujourd’hui rebaptisée Agence française pour la Biodiversité depuis le 1er janvier 2017, a mis au point un protocole de mesure pour ces ouvrages : le protocole ICE (indice sur la continuité écologique). Ainsi ils peuvent diagnostiquer la meilleure solution de restauration possible. Découvrez le protocole en vidéo :

 

La loi a également inventorié les rivières pour endiguer ce phénomène. Ainsi, sur certains tronçons, les propriétaires de barrage se voient l’obligation de restaurer la continuité écologique en arasant l’ouvrage lorsque celui-ci n’a plus d’utilité ou pas la construction d’ouvrage de franchissement (passe à poisson, rivière de contournement…). D’autres secteurs sont aujourd’hui interdits pour la construction de nouveaux ouvrages. Ces deux caractérisations peuvent être cumulatives lorsque les enjeux de la rivière le nécessitent.

Ainsi, bien que la continuité écologique soit aujourd’hui un élément important dans l’atteinte du bon état écologique des cours d’eau, la conciliation des différents usages et la transition énergétique pourraient réserver des rebondissements pour la restauration de nos milieux.

 © Article rédigé par : Pierre Bournigaud

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